Motivations des investisseurs dans une entreprise durable

Dans l'entreprise durable, la décision de s’associer, de « faire société » : « l’affectio societatis », revêt une double signification : d’une part, elle traduit l’intention de travailler en commun, c’est-à-dire une volonté de participer à la vie sociale de l’entreprise d’une façon active et intéressée. Autrement dit, l’épargnant ne se contente pas de manière passive de faire des apports et au mieux d’attendre qu’on lui envoie les comptes sociaux. Il cherche, au contraire, à comprendre le fonctionnement et à faire prospérer l’entreprise en participant à sa vie sociale. D’autre part, la participation de l’épargnant s’exerce sur un pied d’égalité : tout lien de subordination est exclu et les risques sont partagés.

Une vision égalitaire de la gouvernance

Ni client, ni donateur, l’épargnant cherche à s’associer à la gestion de son épargne et de ce fait à acquérir de nouveaux droits et devoirs en matière d’économie. Sa responsabilité n’est pas déléguée à un tiers, diluée ou socialisée au travers des mécanismes de garanties. Cette position se joue par une participation aux risques, le mode de gouvernance et de gestion et les retours attendus. Le retour sur investissement se joue non plus sur le seul registre financier mais également sur la capacité de l’entreprise à conduire une stratégie ayant les effets attendus. L’exigence de suivi, au delà de la seule lecture des éléments comptables, porte sur la manière dont leurs enjeux sont défendus. Par ce biais, l’épargnant/citoyen peut évoluer d’une position de « consommateur » d’un produit financier, même labellisé « éthique », vers une position de responsabilité permettant d’assumer différemment le rapport au risque.

Une exigence de rentabilité qui passe au second plan

Partant de là, l’exigence de rentabilité du capital et de partage du risque se posent en des termes différents. Il ne s’agit plus de chercher à tout prix un retour sur investissement le plus rapide possible avec des taux d'intérêt élevés (voir par ex. mini-pret-urgent), mais d’asseoir une rentabilité suffisamment « modérée » pour ne pas dévoyer l’objet de l’entreprise. Cette posture contribue à consolider la structure dans une perspective de durabilité, et par voie de conséquence, à protéger le capital investi.

Les conditions d’évolution du contexte économique peuvent difficilement reposer que sur des solutions internes à l’entreprise. La capacité financière de prise de risque d’une entreprise, et donc ses possibilités de faire des choix de développement, est intimement liée aux politiques des marchés financiers et, de ce fait, aux modalités de gestion de l’épargne. Notre capacité à gérer démocratiquement nos choix de développement économiques dans l’intérêt de tous et des générations futures ne peut s’extraire de la question de la gouvernance et de la régulation des marchés financiers. Loin d’apporter des réponses clef en main, la finance solidaire, dans son rapport au partage du risque, ouvre un espace d’action/réflexion sur notre rapport à l’économie et à son mode de régulation. Elle s’apparente ici à un processus de citoyenneté économique.